Concours d’éloquence – Finale

« Gouverner c’est mentir »

(Positive)

 

Gouverner, c’est mentir

 

Ah le mensonge… Cette qualité humaine qui traverse les générations sans jamais se démoder. Après tout, le mensonge fait presque partie de notre ADN, on l’utilise en long en large et en travers quand cela nous arrange. En même temps, peu importe les circonstances, le mensonge est toujours plus simple que la vérité. Alors, comment voulez-vous que l’art de gouverner, où tout est infiniment plus compliqué, soit dépourvu de mensonges ? C’est tout bonnement impossible !

 

Jean Giono déclara un jour : “Quand on est chef de gouvernement, on ne peut pas dire la vérité, on ne la dit jamais. Gouverner c’est mentir”. Giono décrit ainsi l’impossibilité de gouverner un état en étant totalement transparent. Il rejoint ainsi Jean Amadou, journaliste, écrivain et humoriste français, qui affirme : “l’Homme politique qui prétend ne jamais avoir menti ne fait qu’un mensonge de plus”. Selon eux, la politique est un théâtre dans lequel les acteurs n’ont d’autre intérêt que de convaincre les spectateurs de la véracité de leurs calomnies. Ainsi, François Mitterrand, qui fut président de 1981 à 1995, menti sur son état de santé en ne révélant à personne qu’il avait un cancer de la prostate. Son médecin personnel déclarera même : “à partir de 1994, il n’était plus capable d’assumer ses fonctions”. Ainsi, si Mr Mitterand avait révélé sa maladie dès 1981, il n’aurait pas été éligible au poste de Président de la République. Il paraît donc évident que, sans mentir, il n’aurait jamais pu gouverner. Ces événements mettent en exergue l’idée selon laquelle le simple fait d’accéder à une position qui permet l’exercice du pouvoir nécessite de recourir au mensonge. 

 

Gouverner un Etat, c’est aussi avoir accès à des informations sensibles, tel que des secrets militaires, qu’il est totalement défendu de divulguer. Un chef d'État doit donc être capable de dissimuler certaines vérités vis-à-vis des citoyens. Ainsi, le mensonge en politique est courant et ne choque pratiquement pas les citoyens. Comme décrit George Orwell : “Le langage politique est conçu pour donner au mensonge des airs de vérité, rendre le meurtre respectable et faire passer pour solide ce qui n’est que du vent”. Orwell décrit ainsi le langage en politique comme une forme de manipulation et un moyen de faire croire ce que l’on désire à son auditoire, sans se soucier de la véracité de nos propos.

 

Gouverner, c’est aussi l’art de choisir la vérité qui nous intéresse. Et, sur ce terrain-là, on ne peut poursuivre sans citer Monsieur Donald Trump, qui, à coup de plusieurs dizaines de mensonges par jour lors de sa campagne, a réussi à se hisser au poste très convoité de Président des Etats-Unis le 20 janvier 2017. Il aurait notamment déclaré à maintes reprises que la construction du mur séparant le Mexique des Etats-Unis serait entièrement financée par le Mexique, ce qui s’avéra être entièrement faux car le Mexique n’a jamais versé le moindre pesos pour ce projet. Ce mensonge monumental permit toutefois à Mr Trump d'être élu par des Américains totalement convaincus par son projet. 

 

            Gouverner, c’est faire des choix, et lorsqu’on choisit, on délaisse nécessairement une partie de la réalité au profit d’une autre, mais c’est aussi rassurer, notamment avec un discours simple et compréhensible. Or un discours simple laisse nécessairement derrière lui une partie de la vérité, puisque celle-ci est souvent complexe. Comme lorsqu’un chef d'entreprise choisit de mettre en avant les points positifs de son entreprise pour convaincre des investisseurs de placer leur argent dans cette dernière, sans faire part des difficultés auxquelles, bien évidemment, l’entreprise devra faire face.

 

Gouverner c’est aussi fédérer/rassembler. Et pour rassembler, il faut entraîner vers un futur qui se veut meilleur, à la manière d’un patron qui partage sa vision et fixe en conséquence des objectifs à atteindre. Or personne ne connaît les aléas du futur et rien ne prédit que les objectifs seront remplis. Après tout, qui aurait cru en septembre 2019 qu’une maladie transmise par une chauve-souris paralyserait les échanges mondiaux pendant plus de 2 ans ? Il serait amusant aujourd'hui de se pencher sur les plans d’avenir en 2019 de restaurateurs ou de petits commerçants qui furent chamboulés par la crise. Aucun chef d’entreprise n’avait prévu l'éventualité d’un confinement total de la France et ces derniers s’imaginaient sûrement étendre leur activité ou conserver cette dernière sans trop de changements.

 

Toutefois, gouverner signifie aussi guider. Un guide doit notamment savoir mentir pour le bien de son groupe. Comme lorsqu'un entraîneur de football motive son équipe à la mi-temps en leur disant qu’ils peuvent encore gagner alors qu’ils perdent 8 à 0. Ou lorsque les parents laissent entendre à leurs enfants qu’une souris mystérieuse se faufile dans leur chambre pour récupérer leurs dents de lait, ou encore qu’un gros bonhomme rouge avec une grande barbe blanche descende par la cheminée pour leur déposer des cadeaux une fois par an. Qu'allez-vous dire à la fillette de 5 ans qui rêve chaque année de rencontrer le Père Noël ? Briserez-vous ses rêves en lui apprenant que ce dernier n’est autre que ses parents ? Non, je pense au contraire, que vous lui mentiriez pour qu’elle continue à rêver.

 

            Certains vous diront : le mensonge n’est pas nécessaire. Après tout, il est facile de croire qu’il est possible de gouverner sans mentir. Mais, pour votre gouverne, le mensonge est partie intégrante de tous les régimes politiques actuels. Il est également inscrit dans la loi française sous le nom de “secret défense”. Cette expression, qui parait anodine, permet finalement de protéger les citoyens des horreurs telles que la guerre, l’espionnage ou encore le terrorisme. Sans elle, des pays ennemis pourraient déjouer les plans de l’armée avant même qu’ils soient mis en place ou tout simplement cibler les faiblesses du gouvernement pour en prendre le contrôle. Le “Secret défense” est donc crucial en France, et ce mensonge camouflé est nécessaire pour conserver notre régime démocratique.

 

Gouverner, c’est tenir la barre, même si le bateau coule, tout en convaincant les passagers de fermer les yeux sur le trou béant dans la coque. Gouverner c’est regarder Mr. Macron dans les yeux et lui dire : je n’envahirai pas l’Ukraine. Gouverner c’est se convaincre que la fin justifie les moyens, peu importe les moyens. Alors, je vous le redis en toute honnêteté et sans une once d’hésitation : Gouverner c’est mentir.