Expérience de survie en pleine nature

Sur le papier c’était un beau projet. Pour qu’il se concrétise il fallait des personnes motivées, de la conviction, quelques bonnes adresses et du travail. Au détour d’un conseil de classe, Elisabetta Vercelli professeur d’éducation physique et sportive avait lancé l’idée : réunir les deux classes de quatrième et les amener se perdre pendant deux jours dans la forêt, sans internet, sans téléphone, tous réunis en mode « survie ». Vivien Douine, professeur de mathématiques avait tout de suite donné sa disponibilité et dit qu’il la suivrait dans cette aventure. Marie Thil et Ettore Pelosi, parents d’élèves prêteraient quant à eux main forte pour que le projet se réalise.

C’est ainsi que nous nous retrouvons, Elisabetta, Marie, Ettore et moi-même à la tête d’un groupe de 30 élèves, équipés de sac à dos, scrupuleusement remplis la veille du départ. Nous y retrouvons le sempiternel triptyque tshirt, chaussettes et culottes de rechange. Classique.. Mais aussi et surtout, une pierre à feu, un couteau à lame fixe, une gamelle en étain, une lampe frontale et une couverture iso thermique. Moins courant.. A cette liste s’ajoute les vivres : un demi-kilo de farine, des pommes de terre, du miel, des noisettes et des fruits secs. Et pour finir, le plus important : l’eau.. En grande quantité, 4 bouteilles par personne, sans exception.. Dans cette liste de choses à ne pas oublier, une devait impérativement l’être : le téléphone portable. Interdiction formelle de l’emporter. Chaque sac à dos est vérifié : impossible d’enfreindre cette règle de base..

Laissés par le chauffeur au sommet de Montescudo, commune de la province de Rimini, nous suivons Francesco, instructeur « bushcraft » depuis vingt ans. Il nous explique que ce mot valise de la langue anglaise renferme deux substantifs : « bush » que l’on peut traduire par buisson et « craft » qui renvoie aux notions de métier et de savoir-faire. En français dans le texte nous dirions « Art des bois ». A la fois rassurés et intrigués nous lui faisons confiance et le suivons. Pour rejoindre le camp de base, perdu sur le flanc de la colline, nous traversons allègrement plusieurs champs de blé, remontons plus difficilement le lit d’une rivière et arpentons un peu moins souriants un sentier pentu jonché de troncs d’arbres couchés et rempli de ronces pendantes. L’aventure a déjà commencé..

Le camp de base est sobre : un tipi à terre et une cabane dans les arbres, deux tables et deux foyers. Peu de temps morts. Sans nous en rendre compte, nous sommes déjà en train d’apprendre : apprendre à survivre. Avant toute chose, établir les priorités : d’abord construire un abri, ensuite allumer un feu, puis trouver et dépurer de l’eau et en dernier penser à la nourriture. Les conseils sont simples, clairs, pragmatiques et illustrés. Nos adolescents s’organisent, se regroupent et reproduisent fidèlement les gestes montrés par Francesco et relayés par les jeunes instructeurs qui l’accompagnent et l’épaulent dans notre aventure. Quelques instants plus tard, le feu crépite, l’eau bout dans les gamelles et la farine donne naissance à de drôles de boules qui noircissent sur les braises avant d’être mangées. Le camp s’est animé et à travers les discussions qui s’installent entre nous, plus qu’à survivre, nous réalisons que nous sommes en train d’apprendre à vivre. Ensemble..

La nuit est tombée. Seules les flammes éclairent nos visages. Nous suivons les consignes de Francesco et nous enfonçons à nouveau dans la forêt. Des cris retentissent, le temps que nos pupilles s’habituent à l’obscurité. Puis c’est le silence : nous découvrons émerveillés le ballet de mille lucioles. Il semblerait que le vol aléatoire de ces bestioles illuminées nous indique le chemin. Une vision incroyable, l’impression d’être sortis de la réalité, d’être immergés dans un dessin animé. La forêt laisse place à une clairière et nous passons des lucioles aux étoiles : celle du Berger, de la Grande Ourse et de Cassiopée. Retour au camp de base, le feu, laissé seul, est en train de mourir et attend nos souffles pour reprendre vie, pour nous accompagner dans notre longue nuit..

Quelques instants plus tard, le jour se lève sur des visages fatigués. Les paroles et les rires des enfants ont retenti jusqu’à l’aube. La dureté du sol et l’humidité de la nuit ont mis notre sommeil à rude épreuve. Nous ouvrons pourtant sur cette nouvelle journée des yeux neufs, conscients d’avoir partagé une expérience unique, sortant de l’ordinaire, réintroduisant de la valeur aux choses et du sens aux paroles. Nous rejoignons le bus et faisons cap sur Turin. Dans la soute à bagages, trente téléphones portables, éteints, se sentent un peu orphelins..

Ci-dessous le récit exhaustif du voyage en plusieurs actes, rédigés et lus par le docteur Ettore Pelosi. Sa présence rassurante et éclairante a participé au bon déroulement du voyage. Nous le remercions vivement !